- Contexte
- Un casting de rêve pour des actions civiques
- Une bataille culturelle bien ficelée
- Sources
- Associations inquiétantes
- une lutte née en vendée
- Pour aller plus loin
Contexte
Peut-être êtes-vous déjà allés voir le spectacle Historock ou vous êtes-vous plongés dans les Cités Immersives ? Peut-être que votre enfant participe à des actions portées par l’association Passeport du Civisme dans votre commune ? Peut-être avez-vous déjà participé à des réunions organisées par le Réseau des Parents ?
Avant d’accueillir ou participer à ces initiatives, avez-vous pris le temps de vous documenter sur celles-ci et de comprendre les enjeux et les objectifs de leurs actions ?
En juin dernier, dans le 91, nous apprenions que la municipalité de Palaiseau allait mettre en place le Passeport du Civisme sur les temps périscolaires de la commune. Le but étant de réaliser des actions civiques pour apprendre aux enfants à faire des « bonnes actions ». En fin d’année, ils recevront un Passeport, document clé, attestant qu’ils sont des « citoyens modèles ». Ce type de Passeport est, d’après la cartographie de l’association, déjà en place à Brunoy, Breux-Jouy ou Saint Michel sur Orge.
Le temps périscolaire se découpe entre des temps d’accueil le matin, le midi et le soir ainsi que les mercredis et les vacances scolaires pour le centre de loisirs. Il y a 21 écoles sur la commune de Palaiseau. C’est un temps municipal. L’Éducation Nationale n’intervient pas dessus.
Curieux de savoir ce que ce Passeport pouvait proposer comme initiatives pour les petits Palaisiens, il a suffi de quelques clics pour découvrir le revers de la médaille !
Il nous était étrange de proposer ce types d’actions dans la mesure où l’Éducation Nationale propose déjà, à travers ses programmes et ses ressources pédagogiques, des projets, des sorties, des interventions qui promeuvent la solidarité, le respect, la protection de l’environnement, le devoir de mémoire, l’histoire etc… sans parti pris, transparent, selon des programmes permettant à chaque enfant de développer son esprit critique et de se forger ses propres opinions sans propagande.
Rappelons par la même occasion, que les budgets alloués aux écoles sont souvent de plus en plus maigres, ne permettant plus de réaliser autant de choses qu’auparavant.
Une aubaine pour Palaiseau ! L’éducation Nationale n’a plus les moyens de proposer des cours d’éducation civique de qualité, nous allons proposer les nôtres !
Mais derrière la communication, les fascicules bleu blanc rouge sur papier glacé et les cérémonies pompantes du Passeport du Civisme, Pierre Édouard n’est pas loin ! Pierre Édouard Stérin, celui dont le nom revient un peu trop souvent ces temps-ci, appelant à rassembler l’Union des droites et l’extrême droite. Celui, qui par son projet Périclès dévoilé l’an dernier par le journal l’Humanité, compte rassembler ces droites sur des bases communes comme la préférence nationale, la lutte contre le socialisme et le wokisme, pour une laïcité agressive mais seulement contre les musulmans … L’objectif final étant de « sauver la France ».
Tout cela grâce à des outils stratégiques de fabrication de l’opinion (instituts de sondage et baromètres), de formations (écoles de journalisme ou institut de formation des maires), de constitution d’une réserve de candidats prêts à occuper des postes clés, d’une guerre judiciaire contre les opposants politiques. Facile lorsqu’on a les moyens puisque Périclès prévoit de déployer environ 150 millions d’euros sur les dix prochaines années via le financement ou la création de projets. Comme il lui est interdit par le droit français d’investir directement dans les campagnes politiques, il choisit insidieusement d’investir ses millions dans toutes sortes d’associations, écoles, instituts, holdings,… façonnant l’opinion et les gens afin d’élargir petit à petit la fenêtre d’Overton.
Maxence de Rugy, maire de Talmont saint Hilaire, fondateur de l’association Passeport du Civisme a pu faire l’éloge de son association sur la chaine Youtube Politicae : collectif financé par Stérin, pour les citoyens qui souhaitent entrer en politique et devenir maire. Le même Maxence de Rugy qui clame depuis la rentrée 2025 (suite aux révélations du Canard Enchainé sur le financement de 50 000 euros de son association par le fond du Bien Commun), qu’il n’était pas au courant que c’était un problème et assure que son association est apolitique.
Rappelons que l’ambition première de P.E.Stérin, est de « conquérir » le plus de mairies pour l’extrême droite d’ici 2026 en attendant 2027. Cette volonté, dont il ne se cache plus, de s’immiscer dans les communes via les petites portes pour mener une bataille culturelle gagne du terrain. C’est l’exemple même à Palaiseau !
Cette stratégie est pour le moins inquiétante, puisque, sous couvert de « bonnes actions », l’extrême droite du projet Périclès est en train d’avancer ses pions sans que personne ne la voit.
En effet, cette association est dirigée par un conseil d’administration réactionnaire (les membres étant tous maires ou issus de partis de droites LR, centre ou LREM, et plus ou moins proches collaborateurs de Pierre Edouard Stérin…) avec à sa tête David Lisnard, également Président de l’AMF, l’Association des Maires de France.
Malgré un site internet pauvre en ressources et en informations, quelques détails permettent de décrypter ce que réalise le Passeport du Civisme en passant outre les missions que devraient porter l’Education Nationale :
- Les communes qui le souhaitent adhèrent à l’association (entre 1000 euros et 3 500 euros par an d’argent public selon les communes. Pour une commune entre 35 001 et 40 000 habitants : 1 300 euros annuel).
- L’éducation Nationale est partenaire de ce dispositif. Elle se dédouane lorsqu’on l’interroge mais accueille avec joie et soutien lorsque des initiatives sont proposées dans sa circonscription ou son académie.
- Le ministère de la jeunesse fut un temps partenaire puis s’est rétracté compte tenu du manque de neutralité et les lacunes pédagogiques. Pourtant sur le site internet et les brochures de l’association figure toujours le logo du ministère.
- Les partenaires de l’association sont : Le département de Vendée – Le secrétariat d’État Jeunesse et engagement – la Région Pays de Loire – La Métropole du Grand Paris – le Département de l’Orne – L’Association Souvenirs français – la Protection Civile – La fédération française des villes et villages des Sages. Autant de partenaires qui, en toute connaissances du cahier des charges et de l’ADN de l’association, soutiennent les initiatives. (liste non exhaustive)
- Une Charte de bonne conduite est signée par les partenaires : mairie et association.
- Les élèves, tout au long de l’année doivent réaliser des actions ciblées par les mairies pour pouvoir gagner la médaille du civisme à la fin de l’année. Chaque Passeport est propre à sa ville avec des actions spécifiques liées au territoire.

On pourrait se dire : chouette des actions civiques, de la solidarité, du budget pour des projets pédagogiques sensés et émancipateurs …
Erreur ! En lisant la fameuse Charte, et personne ne peut s’y tromper, il est bien écrit :
- « Préserver une cohérence nationale afin de maintenir un cadre commun identitaire. »
- « Chaque Passeport du Civisme est personnalisable afin d’être enraciné localement et de refléter l’identité de son territoire. »
- « Parce que le civisme n’appartient à personne, les adhérents s’engagent à ne pas utiliser l’association et le dispositif Passeport du Civisme à des fins partisanes ou idéologiques. »
Toutes ces prérogatives figurent dans les éléments de langage propre à l’idéologie réactionnaire :
- Cadre commun identitaire : contre quoi ?
- Refléter l’identité de son territoire : avec quelle orientation idéologique ?
- Pas de fins partisanes et idéologiques : passeports uniques pour chaque communes avec des obligations de visites dans des lieux problématiques révisionnistes, des intervenants non appropriés pour intervenir auprès des jeunes. (Police, Gendarmerie, …)
- Ne pas utiliser de wokisme : le terme même de wokisme est idéologiquement orienté et utilisé par la droite et l’extrême droite.
Cette association ne peut plus dissimuler la portée politique du projet.
Pour le moment, il a été recensé environ 500 communes adhérentes. Depuis l’article paru le 8 octobre 2025 dans le Canard Enchainé, certaines communes (Trégunc, Melven et Concarneau) annoncent se retirer de l’Association, compte tenu des polémiques et des valeurs défendues par le projet Périclès. Des associations de parents d’élèves commencent à s’opposer au projet. (Commune de Vertou).
Un casting de rêve pour des actions civiques
Alors que l’école publique est le premier lieu où l’éducation civique est enseignée, où les moyens manquent pour organiser des projets et des sorties culturelles, le Passeport du Civisme entre dans les établissements par la petite porte pour imposer des actions civiques ciblées, faisant l’impasse sur la liberté pédagogique des équipes. Selon les actions proposées, cela s’apparente davantage à un mini SNU pour écoliers qu’un support pédagogique favorisant le développement d’un esprit critique, avec comme premier soutien Bruno Retailleau, grand ami de P.E.Stérin et comme premier partenaire les forces de l’ordre. Le patriotisme, le nationalisme et l’armée sont sans arrêt mis en avant.
Le passeport propose aux élèves de s’impliquer concrètement dans la vie de leur commune, afin de forger leur esprit de citoyenneté, leur sens des responsabilités et de construire la société de demain. Quel mépris pour le travail quotidien que réalisent déjà les enseignants dans leur classe ! On utilise donc l’éducation nationale pour promouvoir une propagande réactionnaire et révisionniste.
La charte du civisme impose aux adhérents plusieurs contraintes que l’association ne s’impose pas à elle-même : « Parce que le civisme n’appartient à personne, je m’engage à ne pas utiliser l’association à des fins partisanes ou idéologiques et à respecter le cahier des charges imposé par l’association ».
Dernièrement, Passeport du civisme s’est félicité d’offrir à 3200 enfants et 300 élus, une représentation d’Historock, spectacle réactionnaire manipulant l’histoire au nom d’une identité nationale fantasmée occultant colonialisme et esclavage. Un beau spectacle apolitique disaient-ils.elles, acheté par les maires et proposé sur le temps scolaire.
Un spectacle avec comme invités, Bruno Retailleau, Alain Lebœuf, président du conseil départemental de la Vendée, et Maxence de Rugy, fondateur du Passeport du civisme étaient présents, accompagnés du GIGN en hélicoptère.
Un opéra Rock censé rattraper ce que les enseignants ne font plus depuis 30 ans dans le premier et le second degré en matière de transmission des faits historiques. La faute aux pédagogues de l’école publique de ne pas transmettre la « véritable histoire de France, quelle horreur, c’était mieux avant ». Saint Casali permet donc de rattraper toutes ces lacunes, « causes de la délinquance et de la violence … », qualifiant les jeunes « d’ignares » en leur montrant les valeurs chrétiennes et monarchiques de la France.
Spectacles suivis par seulement quelques communes du territoires, et dirigées par des mairies acquises à la cause de Casali. Aujourd’hui soutenu par le ministère de l’éducation nationale, ce passeport et ce spectacle sont au service de personnalités et d’idées d’extrême droite.
Une bataille culturelle bien ficelée
Le passeport du civisme rentre pleinement dans la bataille culturelle et idéologique que mène la droite et l’extrême droite contre les valeurs d’émancipation, de solidarité et de partage des richesses. D’après le Canard Enchainé, l’association de Maxime de Rugy aurait perçu 50 000€ du Fond du Bien Commun, bébé de Pierre Edouard Stérin, personnage qui ne cache plus ses ambitions pour la France : patriotisme, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes … (Projet Périclès)
De Rugy ne se cachant pas d’avoir reçu ce don, entre dans cette bataille d’influence stratégique pour mener l’extrême droite au pouvoir après avoir placé ses pions dans toutes les sphères de la société : éducation – journalisme – médias – associations – organismes de sondages …
Cette association soit disant apolitique ne se cache pourtant pas pour, dans sa charte, exprimer des positions pourtant politiques :
Ce sont bien les communes qui engagent leur municipalité à suivre la charte et les initiatives du Passeport du civisme, en toute connaissance et transparence de ce que proposent celles-ci. Ce sont bien les communes qui proposent le projet aux enseignants et aux partenaires.
Dans chaque brochure distribuée aux enfants sur le temps scolaire, figure un édito du maire de la commune. Comment ne pas le penser comme un outil de communication politique au sein de l’école publique ?
Pas d’entourloupe, il ne suffit pas de beaucoup de temps pour comprendre ce qu’il se cache derrière cette belle brochure brillante.
L’un et l’autre cherche au sein de l’éducation nationale, à détourner les valeurs premières d’une éducation populaire, pour tous et toutes. La Charte du Passeport du civisme ne s’en cache pas et indique ouvertement la marche à suivre et les valeurs à ne pas défendre lors des actions civiques promues par le passeport.
Il est impératif que le flou autour de cette association soit levé au sein des communes et des écoles primaires. Il est important que les inspections de circonscription et les enseignants soient mis au courant et soient informés lorsque cette initiative arrive dans les établissements. Que les parents d’élèves sachent également pourquoi et dans quel objectif leurs enfants participent aux initiatives du passeport.
Si désormais les mairies se substituent aux actions pédagogiques des professeurs des écoles en matière d’éducation civique, toutes les lubies plus ou moins crasses et réactionnaires pourront être menées auprès des jeunes sous couvert d’actions civiques.
Les thématiques fascisantes auront alors portes ouvertes pour mener la bataille culturelle tant voulu par l’extrême droite.
>> La pétition contre le développement du passeport du civisme <<
Sources
Site et page Facebook du Passeport du Civisme : Association du Passeport du Civisme
Cahier des charges-Passeport du Civisme-092024.docx
Articles Canard Enchainé/Libération/L’Humanité/Médiapart
Site du projet Périclès
Interview de Casali sur Cnews à propos d’Historock
Interviews de P.E.Stérin sur ses ambitions
Calaméo – Les Passeports en France
« De sérieuses interrogations quant à sa neutralité idéologique » : dans les écoles, le Passeport du civisme pose question
Associations inquiétantes
Réseau des parents– Excellence Ruralités – Lift – Espérance banlieues
une lutte née en vendée
Nos camarades de Sud educ 85 nous ont partagé leurs préoccupations face au déploiement du passeport du civisme. Leur article très complet permet d’avoir aussi des clés pour lutter collectivement contre ces différentes structures.







